Ouled Sidi Tayeb
Et pourtant dans notre ville au contraire de certaines villes, il n’y avait pas vraiment une classe qui pouvait prétendre avoir un privilège quelconque de vue une descendance séculaires pour subir le poids de la différence sociale.. Notre ville, même si la première pierre fondation a été posée par l’Émir Abdelkader lors de ses différents retrait des batailles qu’il menait contre français, qui a vu toute une muraille forteresse s’ériger dans les hauteurs des bois de la ville actuelle, le plateau de Tdernatine, elle demeure autrement une création purement coloniale et tout dans cette ville renvoie aux habitudes et mœurs des collons. Création nouvelle, notre ville ne peut pas se targuer d’origine ancienne. Ce sont les premiers colons qui l’ont fondé et les arabes se sont vu agglutinés à sa périphérie en constituant des maisons de fortune, qu’on appelait d’ailleurs Graba un pluriel de Gourbi qui veut dire tout simplement écurie. Cette appellation que je n’arrive pas à situer l’origine mais je peux spéculer sur deux hypothèses. Ou ce sont les colons qui nous voyaient que des animaux à leurs yeux et par déduction nos maisons ne peuvent être que des gourbis, c’est-à-dire des étables. Ou ce sont les gens de la campagne qui vivaient en totale recluses des colons qui visitaient la ville et y construisirent de vrais gourbis pour leur bêtes de somme qui devaient les laisser à la sortie de la ville avant d’y entrer, et que ces gourbis avec le temps des disettes à la campagnes qui a sévit en raison de la spoliation des terres et la sècheresse, ce qui a appauvris leurs conditions de vie, et dans la quête de nouveaux revenus pour subvenir à leur besoin, alors ils ont commencé à aller chercher le travail dans la ville et finirent par d’habiter leurs propres gourbis pour se rapprocher de leur travail et remplacer ironie du sort leurs propres bêtes dans ce qui étaient que de écuries, et le temps faisant toute une population avec un nouvel mode de vie s’installa. Un mode vie résultat d’un brassage entre celui de la campagne et de celui désormais nouveau de la ville coloniale. Ainsi établie, cette population avait vécu réellement et quotidiennement la différence de niveau de vie entre colons et autochtones. C’est pour cette raison le gros des premiers rebelles de la révolution venait de ces quartier-villages. Village était leur dénomination officielle de l’administration coloniale car pour eux ils ne faisaient guère partie de la ville.. Ainsi on les dénommait uniformément sans aune considération par des abréviations qui en dit long sur le statut du bas de la société que tenait avec les colons la population de ces quartiers- villages. Les V.N.D.T, et VNA ( Village Negre de Dui Thabet et celui d’Amrous) et le fameux Village de Boudia qui a fait son développement récent et diffèrent. Dui Thabet renvoie à la première tribu qui s’installa en masse dans ce quartier situé le long de l’Oued constituant la vallée abritant la ville, dans des circonstances inconnues. Et le mot negre bien que ne reflétant pas le gros de la population de cette partie de la ville, il fait référence à une communauté noire dont les gourbis longeait la rive Ouest de l’oued qui séparait le quartier de la ville. Le mot negre qui était en vogue en Europe et aux Amériques pour désigner les hommes de couleur noire, dans ce cas là, seule sa signification dégradante est retenue et mais en fait il désignait à la fois la population noire ou autre confondues dans ces quartiers. De même, les autres quartiers-villages Amrous et Boudia avaient aussi leurs communautés noires. La communauté noire dans notre ville a participé d’une manière directe à façonner les mœurs de la société autochtone. Et jusqu’à ce jour on éprouve du plaisir à partager les cérémonials égayant et festoyant de cette communauté. En effet les noirs de la ville qui devaient avoir hypothétiquement, eu égard à leurs traditions des fêtes, deux origines. L’une africaine de l’Afrique subsaharienne et l’autre du Soudan, pays dont la majorité de sa population se dit être arabe.. Et on constate cette différence de l’origine dans les traditions que conservent jusqu’à ce jour l’une ou l’autre partie de cette communauté. Ainsi, ils y a ceux qui se regroupaient dans les Graba Amours et Graba Oued d’une part et ceux qui ont élit domicile dans le village-Boudia…Les premiers ont des traditions à caractère païens (terme usé sans aucun sens offensant) qui organisaient de fêtes saisonnières qui duraient une semaine, tout d’abord en achetant un taureau qu’il le fassent circuler dans toute la ville avec tambour et karkabou, avec une collecte d’aumône que toute la ville s’y prête pour participer à leur fête, durant toute cette semaine pour finalement l’égorger dans un rassemblement gigantesque avec un cérémonial accompagnant le massacre de cette bête qui rappellent étrangement les tribus les plus reculées de la savane africaines.. Avec la viande de ce taureau on offre une grandiose fête où il y avait à magner pour tout le monde. C’était un diner collectif,, qui une fois servi et consommé,, la vraie fête commence la nuit déjà tombée. Ils montent une scène où des hommes et parfois des femmes, dans une mixité qui paraissaient assez étranges en raison de mœurs prédominantes dans notre ville, se relayèrent à des danses mimiques qui racontaient presque des histoires connues par cette communauté transmise de père fils. Ces danses théâtrales duraient longtemps pour voir leurs acteurs entrer carrément dans un état second de transe qu’on appelle la Touba. C’est un terme qui en arabe a une signification religieuse bien définie et règlementée de rédemption mais je n’y voyais pas un rapport, à moins qu’il s’agit d’une sorte de rédemption au sens des anciennes croyances païennes africaines. Ces danses étaient entrecoupées par des gestes qui jusqu’à ce jour m’assommaient par leur violence. En effet à un moment donné de ces danses, certains sortaient de grand couteaux et commençaient à les retourner à leur corps et spécialement à leurs ventres qui étaient nus, les entaillant jusqu’à voir gicler le sang. A part cet épisode qui me paraissait assez violent et inouïe, incompréhensible pour l’enfant que j’étais tout le reste relève de l’art de chants et de la danse ce qui donnait à ces fêtes une ambiance festoyante qu’on attendait chaque saison, au printemps et à l’automne de chaque année.
L’autre partie de la communauté noire, procédait d’une manière totalement différente. Leurs fêtes sont organisées autour de troupes d’homme portant des fusils qu’on appelé carabila ou carabina, tiré probablement du mot carabine et pourtant c’était des mousquets à poudre noire dont le canon finissant en forme d’entonnoir. Ces troupes circulaient à travers toutes les rues de la ville en procession interminables. Hissant leur mousquets en l’air, les carabina, en les faisant tournoyer de part et d’antre tout en marchant, avançant avec de tout petits pas, le corps dandinant en une danse spéciale à eux, différente de celle de l’autre groupe des hommes noirs, qui eux leur danse étaient beaucoup plus expressive en faisant balancer leur hanche d’un rythme assez rapide et très accentué. Au contraire des hommes de Moulay Sidi Tayeb c’est ainsi qu’on les appelle, leurs danses qui ne voit pas du tout leurs pieds s’élever du sol comme s’ils les glissaient presque collé à la terre ferme, et n’avançant qu’avec de petits pas à peine perceptibles. Dans cette progression très lente ils se mouvaient dans un semblant de danse qui voyait le corps se courber de haut en bas en pliant seulement leurs jambes. En fait ce n’est pas une danse proprement dit, car de vue leurs caractères réservés, ces hommes semblaient dire qu’ils ne sont pas portés à la dance. C’est plutôt un geste répété constamment qui mime l’ultime geste qui allait être le corollaire de leur tournée. Arpentant toute la ville sans fatigue ni répit, ils arrivent finalement à un grand espace choisis d’avance pour finir à faire une grande ronde dans un parfait cercle qui voit son centre occupé par le guide qui généralement est un homme âgé et inspirant un grand respect parmi non seulement les siens mais aussi par le reste de la population de la ville. Ce guide ou chef, prend le contrôle de toute la troupe par les moyens de ses yeux uniquement. Dans cette ronde en mouvement continue, la troupe se met à tourner toujours en procession autour du guide tout en chantant de chant religieux et surtout glorifiant leur ancêtre Marabout, Moulay Sidi Tayeb. L’assistance maintenue à distance respectable, se regroupant tout autour de la troupe, ne se révèle pas être des spectateurs amusés et détendues, au contraire ils participent indirectement à la danse, de vue le battement de leurs cœurs toujours allant en crescendo selon le rythme de la troupe, attendant avec engouement ce moment fatidique de l’ultime geste comme s’il allait les libérer d’un carcan de toute une saison. Après les chants et semblants de danses assez énergiques et soutenus au début, tout va maintenait decrescendo, dans la voix et le rythme au gré des chamboulements des cœurs les plus sensibles de l’assistance. A un moment précis et pendant que le rythme rime presqu’à l’arrêt et les paroles chantonnées deviennent presque inaudibles, et le regard du guide au centre qui tourne sur lui-même dans une posture qui augure de l’approche du moment tant attendu, à la fois à la troupe et à l’assistance qui en avait l’habitude de cette scène, ce regard soutenu du guide sur l’ensemble des hommes de la troupe afin de les intimer sur un air autoritaire et sévère, de prendre leurs dernières dispositions , en les fixant un à un droit dans les yeux, comme s’il est entrain de les prévenir contre toute maladresse qui risque de perturber l’harmonie totale cherchée afin de réussir le dernier geste sans accroc ni imperfection. Le tour du regards annonciateur fini, le guide prend carrément le contrôle de la situation et toute la troupe, ne meut que sous son propre rythme qui tenant son fusil entre ses deux mains crosse en l’air canon au sol, main gauche tenant au respect le canon rayé bien orienté au sol, de la main droite agrippant fermement la platine, index plié sur la détente, en position de tir, tout en continuant de tourner sur lui-même le regard fixe et maintenu sans clignotements balayant ceux des hommes de la troupe, car tout le monde sait qu’il va tirer et entrainer au même moment tous les hommes en un à en faire autant en un laps temps brusque et instantané à suivre le geste, car entre temps toute la troupe avait déjà pris la même position de tir ; mais qui elle, s’arrête de tourner et les hommes attendaient désormais que le signe presque secret et non révélé du guide afin de tirer sur la gâchette, et mettre fin au suspens qui n’a que trop durer pour l’assistance à leur grand plaisir, car c’est cette sensation forte qu’on y est venu chercher dans ce spectacle donné dans une ambiance conviviale. A ce moment précis tout le monde retient son souffle, l’assistance en premier, les oiseaux en second, en enfin la ville entière qui allait vivres l’écho de ce qui aller se passer, à croire encore que tout l’univers recevant pendant une journée entière les chants de prière glorifiant Dieu, son prophète et cet ancêtre honorable Moulay Sidi Tayeb, tout retenait son souffle, tout vivait au rythme de ce guide, un vieux qui a du s’imbiber d’une sagesse séculaire qui a fait légende dans tous le pays. Tout tenait dans ce signe secret et donc magique qui allait ouvrir le bal de cette immense communion installée en ces moments précis entre la troupe et son guide d’une part et l’assistance et tous les habitants de la ville d’autre part.
Cette communion vécue deux fois chaque année permet cette coexistence éternelle qui a fait dire à ma mère dans sa culture tribale, qu’ils y a les noirs et les blanc d’un coté et également les noirs et les blanc d’un autre coté.
Ce moment attendu avec impatience par les enfants surtout dont j’en étais un à cette époque, était un piédestal du temps qui imprimait à l’enfant à grandir dans la tolérance et l’acceptation de soi ce qui enten l’acceptation d’autrui, A ce moment précis, se sont des milliers de livres répandant la bonne parole et la réconciliation avec soi même , de tous les penchants déviateurs que cumulent l’homme de l’influence de son impuissance à surmonter les difficultés de la vie, difficulté de tout genre surcout à s’adapter et s’harmoniser avec la nature au lieu d’aller à son encontre… Combien de bêtises affligeante et malfaisante n’a été commise que sous le poids de l’incompréhension et les préjugés préconçus et arrières pensées noircies par l’ignorance résultat d’un illettrisme évolué. C’était ainsi que ce guide de la troupe un homme d’une profonde sagesse, m’expliquât tout le sens que donnait cette fête aux hommes après l’avoir suivi de rue eu rue afin de connaitre la magie de son signe dans mes quêtes d’assouvir toujours mes curiosité d’enfant et après m’avoir heurté à l’ignorance de ma mère qui ne pouvait m’explique tout… En le poursuivant de rue en rue il s’est retourné et comme si par miracle, il s’attendait à cette incursion presqu’inopportune de ce bambin, pour me faire signe de le suivre de cet air autoritaire, jusqu’à sa demeure m’y fait introduire par sa prote d’entrée qui donnait directement sur une petite cour, presque couverte du feuillage d’une vigne. Là il s’asseyait sur une Haidoura ou Betana une peau de mouton tannée, qui parait ne jamais être déplacée de ce coin ci de la cour, appelant sa femme, une vielle noire aussi, qui lui ordonna toujours dans cet air autoritaire, de ramener un petit banc qui étai en bois d’à peine vingt centimètres de hauteurs qui étaient courants dans nos maisons à l’époque et du thé.. Et autour de ce thé, il a commencé à me parler longuement et lentement de que je viens de décrire sur le sens de la communion de cette fête.
En revenant à la troupe, et toujours le cœur suspendu de l’assistance, elle vécut finalement l’extase du dernier geste pour lequel tout le monde s’est rassemblé, quand tous les hommes de la troupe guide compris dans un geste unique et synchrone, il tirèrent sur la gâchette, une immense détonation s’ensuivi dont l’impact de son son à fait le tour de toute la ville, les oiseaux s’envolèrent dans leur ensemble dans le ciel y compris les cigognes, ces oiseaux mythiques de mon enfance qui nichaient dans tous les points haut de la ville comme s’ils voulaient la surveiller d’un signe malfaisant qui rodait autour . Mais hélas, ce signe a réussit à frapper cette ville et si ce n’est mon tempérament optimiste, j’oserai dire à jamais.
Une fois la détonation consumée, un nuage de fumée enveloppa toute l’assistance avec cette odeur de baroud mémorable qui n’a jamais quitté mes narines, la fumée monta doucement au ciel tout en se dissipant et dessinât des signaux cryptés peut être pour des gens lointaines afin de les informer du renouvellement semestriel de cette communion des habitants de notre ville.
Ainsi s’achevait une tournée qui se répète pendant des jours à travers toute la ville et finir en une grande fête dont le diner est offert dans une grande salle du Village-Boudia appelée Zaouia. C’était pour moi des moments intenses que j’e m’en nourrissais spirituellement et qui m’ouvraient de plus en plus d’horizon à mon imagination fertile, à cet âge de mon enfance.. A chaque assistance à l’une ou l’autre des ces fêtes de la communauté noire de notre ville, je rentrais chez moi plein d’images qui incitaient en mois des questions qui ne trouvaient rarement de réponses satisfaisante. En pareilles errances de ma petite tète, je ne trouais que ma mère à qui je devais la tarabuster de ces petites questions qui lancinaient mon être. Et de ces questions, pourquoi ces hommes noirs qui sont tous noirs procédaient différemment dan leur fêtes. Ma mère dont l’origine campagnarde ne trouvait d’explication que dans sa sacro-sainte culture tribale. Pour elle la différence résidait dans le fait que les uns sont chorfas dont leur ancêtre est un marabout qui s’appelle Moulay Tayeb et les autres étaient des Zertifs. Cette explication sommaire et farfelue dénote que notre société de l’époque ne voyait la pas différence que du point de vue tribal, et il y avait point de connotation raciste contre les noirs puisque, de ce point de vue elle regroupe noir et non noirs d’un coté et également noire et non noir d’un autre coté. Mais cette explication n’apporta pas pour autant des éléments convainquants à ma drôle de tète car je ne manquais pas de lui répliquer que ces noirs qui n’avaient pas un marabout comme ancêtre, ils avaient bien un ancêtre ..ou des ancêtres, ils ne pouvaient pas quand même arriver du néant, de la génération spontanée d’avant Pasteur. Elle me répondit parce que leurs ancêtres n’étaient pas des marabouts c’est là que réside la différence. Soit, maintenant l’enfant que j’étais cherchait alors et depuis qu’est ce qu’il aurait ce marabout de spécial pour faire singulariser sa progéniture des autres.. Et pour ce, point de moyens de le savoir. Il fallait que je grandisse un peu, subir de plein fouet l’impact de cette culture sur la vie sociale de notre ville pour fouiner quelque part afin de voir de plus près les fondements qui façonnent la croyance artificielle de l’homme dans sa dimension universelle.